Le Mobilier national passe à table !

Le visiteur ne pouvait pas rêver de meilleur théâtre, la somptueuse Galerie des Gobelins, pour découvrir les lignes contemporaines, les pièces phénoménales et les techniques uniques utilisées par l'Atelier de Recherche et de Création (ARC). Plus communément appelé Mobilier National, l'institution, fondée en 1954 par un certains André Malraux, a sélectionné une cinquantaine de tables innovantes, décoratives et surtout fonctionnelles qui ont pris place au sein des grandes institutions publiques françaises. A l'origine, l'ARC avait souhaité remeubler intégralement un appartement du Pavillon Angivilier situé dans l'enceinte des Gobelins. Le projet a été avorté à cause de travaux coûteux et important qui en découlaient. Il a donc été décidé d'utiliser l'espace laissé vacant de l'exposition en place à la Galerie des Gobelins, Les Gobelins au siècle des Lumières - Un âge d'or de la manufacture royale. La suite en pages suivantes.

Si la table en fibres de carbone de Christian Ghion est toujours en recherche d'acquisition, les autres ont été utilisés par divers présidents de la république, ministres ou ambassadeurs et sont issus de collaborations souvent prestigieuses : Matali Crasset, Salomé de Fontainieu, Pierre Paulin, Richard Peduzzi, Ronan Bouroullec... Le parcours guide le public de table en table à travers cinq périodes de création de mobilier contemporain.

Dans l'imagerie populaire, le mobilier des demeures de l'Etat est de style d'époque, traditionnel et inspiré de l'ancienne monarchie française. N'y a-t-il pas une contradiction entre ses deux mondes ? Non, répond Bernard Schotter, administrateur général du Mobilier national. "Il y a bien moins de réticence pour l'actuel que l'on ne peut le croire et le mariage de l'ancien et du contemporain peut être très réussi. Les différentes installations dans le bureau du ministre de la Culture, situé dans l'ancien boudoir de la Reine Marie-Amélie, le démontrent", dans une interview accordée au magazine Intramuros. Il pense notamment à la table remarquable imaginée par Matali Crasset qui associe un revêtement en cuir à du Sycomore, un bois très apprécié pour sa blancheur. Ou l'autre table de réunion modulable en laqué bleu conçue par Francesco Binfaré. Ces deux pièces sont présentées au sein de l'espace consacré aux tables de réunions de l'exposition, de la plus simple à la plus extravagante.

A l'étage, un espace est dédié aux tables "bureau" dont la table d'architecte d'Italo Rota ou la table à dessin portative de Preston Akiri invite le public à s'immerger dans l'univers méconnu de ces professions. Un peu plus loin, un tout autre modèle de bureau est proposé, plus classique. Celui de Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication de 2004 à 2007, qui a été dessiné par Philippe Chaix et Jean-Paul Morel. "Fabriqué en deux exemplaires, le bureau siège actuellement dans un appartement loué par l'Etat à Nicolas Sarkozy, ancien ministre de la république", nous confie Myriam Zuber Cupissol.

Dans la partie centrale, les tables basses, consoles ou tables d'appoint sont à l'honneur. Parmi la sélection exposée, on retrouve la console haute de Ronan Bouroullec, le fumoir de l'Elysée par Pierre Paulin ou encore la table basse ouvrante d'Emmanuelle Noirot et d'Emmanuelle Torck.

Situé entre les deux niveaux, le salon Carré est, quant à lui, dédié à l'Atelier de Recherche et de Création, à son histoire et au développement de projets en cours comme les tables d'Inga Sempé et Noé Duchaufour Lawarance.

Enfin, la Galerie des Gobelins présente une œuvre conceptuelle, plus sculpturale que fonctionnelle, la Méridienne de César. Son assise a été recouverte de polyuréthane lui conférant une forme aléatoire et souple.

"L'exposition est l'occasion de découvrir le travail des artisans d'art de l'ARC qui réalisent des pièces merveilleuses avec un équipement ancien. Malgré leur effectif réduit, ils ont néanmoins une forte capacité d'adaptation et de dialogue avec l'ensemble des créateurs", nous confie Myriam Zuber Cupissol, commissaire de l'exposition et inspecteur-conseiller à la création artistique au Mobilier national depuis 1978

Exposition à tables Galerie des Gobelins 42 avenue des Gobelins, Paris 75013 Du 18 novembre 2014 au 18 janvier 2015 Tous les jours de 11h à 18h Tarifs : entrée 6 €, tarif réduit 4 € Colloque le vendredi 21 novembre sur le design du pouvoir, l'ARC du Mobilier national (salle Brun)

Fondé en 1964 par André Malraux, alors ministre des Affaires Culturelles, l'Atelier de Recherche et de Création du Mobilier national a pour mission de meubler les bâtiments officiels de l'Etat et de promouvoir le mobilier français contemporain. L'institution, qui puise son origine à la création du Garde-meuble de la Couronne vers la deuxième moitié du XVIIème siècle, a hérité de quelque 80.000 pièces au moment de son lancement. Elle bénéfice de l'important soutien du président Georges Pompidou et marque le point de départ du processus de fabrication ininterrompu jusqu'à aujourd'hui : plus de 600 prototypes ont été réalisés en collaboration avec une centaine de créateurs (designers, artistes, plasticiens, architecte d'intérieur). Son but est de soutenir le travail et les démarches des designers par des œuvres atypiques, symboliques ou plus simplement fonctionnelles ou décoratives. Les pièces confectionnées, qu'elles soient uniques ou en séries limitées - bureau, table, chaise, fauteuil - sont délivrées aux grandes institutions de l'Etat français : Elysée, ministères, conseil d'état, Assemblée Nationale, ambassades... Pour cela, l'atelier s'appuie sur des professionnels de l'artisanat issus de sept métiers différents : ébénisterie, menuiserie en sièges, lustrerie-bronze, tapisserie d'ameublement, tapisserie-décor, restauration de tapis et restauration de tapisseries. Parmi les travaux remarquables de l'ARC, on peut citer l'aménagement d'appartements de l'Elysée pour les présidents Pompidou et Mitterrand et celui du nouveau ministère des finances à Bercy, la création d'un salon itinérant à l'Elysée à l'occasion des conférences internationales de l'an 2000 ou encore l'ameublement des ambassades de Moscou (A. Richard en 1979), Washington (J-M Wilmotte en 1985), Berlin (E. de Portzamparc en 2002( et Bucarest (V.Dupont-Rougier en 2010). Depuis sa réouverture en 2007, la Galerie des Gobelins expose quelque-unes des collections du Mobilier national jusqu'alors souvent inaccessibles.